Pascal Ravel pense ses toiles par la couleur, pleines de force et de profondeur, elles sont le résultat d’une multitude de couches de couleur qui par superposition créent une teinte unique qui ne peut être définie par le terme de « monochrome ». Les tranches de la toile, où les couches de peinture déposées ont laissé une trace, révèlent les nuances colorées qui composent cette unité chromatique. Rien d’illusoire ici pourtant, juste de la matière qui par sa forte présence nous absorbe. Il y a là « une qualité des surfaces colorées si on les aborde de près. Ce n’est plus alors leur qualité d’objet - unité close sur elle-même - qui prévaut, mais une densité mouvante, presque incertaine. Le tableau semble ne plus se déployer que sur ces surfaces et sur leur indétermination : à la permanence de la surface colorée se substituent de fortes variations en fonction de la luminosité, parfois jusqu’à sa disparition ; à son unité, la superposition de couches de couleurs très différentes - jusqu’à 15 pour certains tableaux - et son identité singulière est troublée par la mise en relation des différentes surfaces et donc des couleurs entre elles et avec les espaces blancs des murs. Comme si cette fois, il ne s’agissait plus de donner au tableau une pleine et entière réalité mais une “ profondeur ”. »1
Ces toiles à la limite du monochrome interrogent le spectateur sur son rapport à la couleur et à l’espace qui l’entoure. Elles ont un effet hypnotique, à chaque nouveau regard l’expérience se modifie grâce à la lumière qui révèle les subtiles variations chromatiques. L’artiste parle ainsi du doute qui s’opère dans l’esprit du regardeur : « Mes notes d’atelier sont au plus près de l’expérience de mon travail : comme si je voyais le doute travailler à même la couleur. Ce n’est pas un doute suspensif mais actif. Il donne le sentiment que ce que je crois connaître s’ouvre à autre chose, à une autre dimension. Au départ, on peut croire qu’il y a là une surface noire ; mais très vite l’œil va commencer à percevoir d’autres choses – qu’il n’y a pas de noir dans ce noir – et le doute va s’insinuer et amener à un autre regard. Le doute est comme un interstice dans l’épaisseur des certitudes, une manière d’introduire du mouvement dans la perception. La couleur doute d’elle, comme le regardeur apprend à douter de son regard… Sans regard, il n’y a pas d’œuvre, pas de tableau. Celui-ci n’a d’existence que s’il est vu. Il y a beaucoup de tableaux qui laissent d’eux une image, quelque chose que l’on peut se remémorer ou se représenter. Ma peinture, elle ne laisse pas d’image. Je peux avoir la mémoire d’une certaine qualité de présence dans l’espace, d’une certaine qualité presque physique du tableau… »2
Article de presse
https://www.paris-art.com/55-cm/