08 septembre 2017 au 16 novembre 2017
Ce diluant souvent associé à l’usage de la peinture, paradoxalement n’est pas blanc, mais incolore, transparent tandis que le blanc est un champ chromatique caractérisé par une impression de forte luminosité, sans aucune teinte dominante. Un espace neutre, donc, sur lequel peut s’exprimer librement l’esprit, immatériel par essence. White spirit - blanc - au commencement, comme la page ou les murs, mais pas exactement.
Apparue au milieu du XIXe siècle, la " photographie spirite " allie deux croyances. D'une part, la foi dans des réalités surnaturelles invisibles à l'oeil nu et d'autre part la conviction que le médium photographique est à même de témoigner de ces mêmes réalités de façon objective. Dans les années 1860, William Howard Mumler, " photographe-médium " institue la pratique de la photographie spirite à New York, ouvrant la voie à nombreuses expériences réalisées par des pseudos scientifiques et beaucoup d’anonymes.
Le dessin d’Eric Manigaud révèle le cliché du 5 janvier 1913 représentant la médium Stanislawa P. photographiée par Albert Von Schrenck-Notzing crachant une forme ectoplasmique. Eric Manigaud, comme dans les séries précédentes, au-delà de la trace photographique, fait ressurgir la question du discernement de notre regard. Sauf que face à de telles images, le danger serait d’épouser la croyance de ceux qui les ont réalisées. Il ne s’agira donc pas ici de croire à ces images, mais plutôt de les transformer en objets d’histoire, c’est-à-dire en outil de compréhension des mécanismes humains ou photographiques qui sont en jeu dans ces curieuses expériences de photographie occulte dont l’intention était de manifester la survivance de l’esprit après la mort.
En photographie, plus encore qu’en peinture, le blanc s’est opposé au noir, une trop forte luminosité « brûlant » l’image de manière irréversible. C’est pourtant la surexposition que Luca Gilli a choisie en photographiant des lieux inhabités (chantiers, espaces conven-tionnels et standardisés) révélant une infinité de textures de blanc - mat, brillant, lisse. Plâtre, ciment, peinture, plancher, autant de surfaces dématérialisées par l’éblouissement de la lumière. « Que cette entreprise de destruction par la lumière de l’espace perspectif traditionnel soit accomplie dans un lieu en construction n’est pas le moindre des paradoxes. Les images de chantier nous parlent le plus souvent d’histoire et de progrès. Bouleversant l’esthétique souvent rassurante qui est la leur – celle d’un espace en devenir qui porte en soi sa finitude et son achèvement futur – les vues de GILLI proposent un autre espace dans lequel irréalité et immatérialité se conjuguent et se confondent. Un espace où le blanc hygiénique d’une certaine architecture contemporaine se mue en un blanc transcendant, primordial. » 1
Le mot esprit vient du latin « spiritus » qui signifie souffle, vent. Il faut se laisser guider par l’étymologie pour comprendre l’origine des oeuvres de Jean-Baptiste Caron et leur lien avec le titre de l’exposition. Dans la mesure du saisissable représente l’empreinte figée qu’un puissant courant d’air a creusée dans la cire blanche. Il en résulte une surface translucide et tourmentée. Avec un langage très minimal, Jean-Baptiste Caron révèle des situations dans lesquelles les principes physiques sont détournés. « La Part d’infini (2010-2012) est un ensemble de scultptures, composées de blocs de grès empilés les uns sur les autres, créant une impression d’équilibre instable. Dans cette tentative d’ériger une colonne sans fin à la manière de Brancusi, chaque élément subit la loi de la pesanteur à partir d’un protocole de chute. Il en résulte une tension entre deux forces opposées, celles de la pesanteur et de l’impesanteur, mais aussi une glorification de l’effondrement comme visée esthétique. » 2
Régulièrement exposées par la Galerie AL/MA, les sculptures de Tjeerd Alkema sont définitivement blanches, parfois très légèrement grises. Ce n’est pas un choix, mais l’unique façon de révéler les intentions de l’artiste en permettant à la lumière de révéler les ombres et la complexité des contours de l’anamorphose. En nous invitant à faire le tour du volume pour pouvoir appréhender la forme de base (carré) et le processus de torsion qui la caractérise, somme d’un jeu de perspective dans lequel l’artiste excelle. De plus en plus complexes, elles donnent à voir et à comprendre un raisonnement qui doit autant aux mathématiques qu’à un certain sens du paradoxe, rebelle à la facilité et aux convenances.
Exposé simultanément au FRAC Occitanie Montpellier et au Musée Lattara cet été, Arnaud Vasseux présentera entre autres sculptures, Creux (2015) une petite concrétion de calcaire, pétrifiée entre ses mains – le temps à l’oeuvre. Le durée, la trace sont interrogées à travers des modes opératoires souvent complexes et invisibles, sans rien laisser paraître de l’énigme de leur apparition. Comme Tjeerd Alkema et Jean-Baptiste Carron, Arnaud Vasseux s’exprime avec une charte chromatique très réduite, laissant le plus souvent la surface de ses sculptures nue. En désignant cette toute petite oeuvre par le mot « creux », il fait référence au lexique technique du moulage, mais également à tout un espace naturel qui nous rappelle des temps immémoriaux.
1 : Quentin Bajac, conservateur en chef de la photographie au MoMA, in Blank, catalogue monographique, 2011, Panorbis editore
2 : Daria de Bauvais, commissaire au Palais de Tokyo, exposition Meltem, 2