10 janvier 2014 au 15 février 2014
IMAGO désigne le stade final d'un individu dont le développement s’est déroulé en plusieurs phases. C’est également par ce mot que les Romains désignaient le masque mortuaire, réalisé à même le visage du disparu. Empreinte de l’inerte mais également achèvement d’un processus de métamorphoses, cette double définition recoupe la notion d’image telle que la présente l’exposition de Jean-Marc Cerino et de Nicolas Daubanes. Leurs oeuvres font apparaitre depuis une mémoire diffuse, à la fois enfouie et renouvelée au long de notre histoire récente, des images de guerre, de prison ou d’objets insolites. Ces images tirées le plus souvent de photos anonymes, au plus près de leur « objet », ne nous apparaissent plus que comme un avatar ultime de leur réalité.
Les peintures à la cire de Jean-Marc Cerino abritent une figure humaine qui se devine et se cherche. Ses oeuvres témoignent, silencieusement, lentement. Que ce soit avec les Dépositions (2004-2006), pour lesquelles Jean-Marc Cerino a travaillé avec des femmes et des hommes provisoirement écartés de la société, en les représentant en pied, blanc sur un fond monochrome blanc, ou avec Les rêveurs (2006-2008), il rend visible tout ce qui est menacé d’oubli ou de fragilité. Ne subsiste alors qu’une forme blanche, décrite et cependant à la limite de l’invisibilité. Ces « absents » retrouvent ainsi une image grâce à la représentation et rejoignent la communauté des présents. Il en va de même aujourd’hui avec ses peintures sur verre et sous verre où des images d’archives et d’anonymes, de la Commune de Paris à la fin des années 50, rejoignent une communauté d’un voir du monde et de son partage.
Depuis quelques années Nicolas Daubanes a centré son travail sur les différentes formes de l’enfermement, en interrogeant en particulier les prisons, leurs plans, leurs murs et maintenant les prisonniers. Le silicone (pour Albi), le carton (pour Salses) mais aussi la limaille de fer sont quelques uns des moyens permettant de restituer les traces de ces lieux carcéraux. Il aborde ainsi la mémoire et l’oubli, les traces et les témoignages de ces vies recluses, mais également notre méfiance et notre curiosité pour cette marge inquiétante de la société. De façon surprenante, un circuit automobile peut aussi devenir une « image » de cet enfermement lorsqu’il mène à l’épuisement des choses et au dépassement de soi : c’est ce qui a inspiré la performance Jusque ici tout va bien dans laquelle Nicolas Daubanes pilote jusqu’aux dernières limites de ses forces une voiture repeinte en noir sur le circuit d’Albi.
Si le noir et le blanc sont communs aux deux artistes, le traitement qu’ils en font diffère. Jean-Marc Cerino emploie la peinture sur et sous verre ; Nicolas Daubanes utilise des matériaux (la limaille ou le silicone) ayant des correspondances symboliques avec leur sujet.