Mona Young-eun Kim

Née en février 1988 en Corée du Sud, Mona Young-eun Kim est une artiste plasticienne vivant en France. Apres avoir obtenu une double licence (2012) en philosophie et en cinéma à l’Université Dongguk à Seoul, puis le DNSEP (2018) à l’École supérieure des Beaux-arts de Montpellier (ESBA-MO.CO), Mona Young-eun Kim a développé un travail autour des questions d’épistémologie de la subjectivité.
À cheval entre représentation du conscient et du subconscient, la pratique de Mona Young-eun Kim est dystopique, satirique et surréaliste.

Elle utilise souvent la réalité virtuelle pour reproduire de façon réaliste l’espace environnant et le modifier. Son travail s’inscrit dans l’actualité par le biais d’objets et de langages. Plusieurs de ses travaux interrogent la compréhension des signes et des informations visuelles ainsi que leur possible évolution dans l’avenir. Les signes qu’elle met en place ne sont pourtant pas toujours lisibles. Cette ambiguïté crée un espace poétique et humoristique. Ses œuvres participatives abordent la notion de connectivité sociale, offrant au public la liberté de les réinterpréter et de se les approprier.
Intéressée par les interventions artistiques dans l’espace public, Mona Young-eun Kim a réalisé une œuvre dans le cadre du dispositif du 1% artistique (2017-2018) pour la réhabilitation des halles Laissac à Montpellier. Elle a aussi créé une vidéo géolocalisée et à 360° dans le cadre de la programmation artistique et culturelle du Grand Paris Express (2019). Cette vidéo sera installée devant la nouvelle gare Maison-Blanche à Paris dans le 13ème arrondissement. Elle a participé à la résidence artistique innovante Saison 6 (2018-2019), initiée par le Mo.Co. (Montpellier), permettant aux jeunes artistes de travailler autour des biennales de Kochi (Inde), de Venise (Italie) et d’Istanbul (Turquie). Elle est en résidence à la Cité internationale des arts jusqu’en décembre 2021.

« J'ai toujours été inspirée par l'existentialisme (Sartre, Camus) et par des ouvrages qui, à mon avis, s’en rapprochent (Dostoïevski, Kafka…) ainsi que par les livres de science-fiction. Je me plonge dans l'histoire et expérimente la vie qui y est racontée. Un auteur ne rend pas tout évident, alors j'aime trouver des symboles et métaphores : je voudrais dire que j’aime le côté poétique, même si ça n’a pas de sens au premier abord. Par exemple, l’homme est devenu un insecte dans La Métamorphose de Kafka, du coup je peux imaginer et interpréter.
J'utilise dans mon travail des dispositifs littéraires comme la satire, l'allégorie et le double sens pour créer des couches de signification.
J'ai aussi fait des recherches sur les notions statistiques et sociologiques de moyenne et de médiane et sur ce qui est considéré comme normal dans différentes cultures. Cela m'a amené à m'intéresser aux choses fondamentales que nous avons autour de nous, comme l'eau, le climat, le soleil, la langue et même les champs d'herbe (gazon). Ces choses qui semblent universelles sont en réalité très différentes selon notre environnement. Cela m'a poussé à prendre le plastique comme sujet de recherche mais aussi comme matériau. En effet, le plastique est la matière la plus courante dans nos vies et il permet à de nombreuses personnes d'avoir une qualité de vie moyenne.
Plusieurs de mes œuvres interrogent également la notion d’intérieur et d’extérieur et utilisent les fenêtres comme portails imaginaires. Les fenêtres peuvent être un symbole d'ennui, et nous aider à imaginer d'autres lieux et un autre temps. J'essaie de dissoudre cette frontière entre les espaces réels et imaginaires. Je suis naturellement fascinée par la technologie de la réalité mixte. Lorsque je fais des vidéos de réalité virtuelle, je mélange de vraies séquences 360° et des animations 3D dans une seule scène. Actuellement, je travaille sur l'insertion de la réalité augmentée dans l'espace public en créant une application pour mobile.
Je travaille également avec le langage et les signes et j'explore comment ils pourraient évoluer dans le futur. Je transforme la forme des lettres et des caractères de façon à ce qu'ils ne soient pas facilement reconnaissables. Mon travail contient souvent plusieurs langages différents. Ainsi, il est accessible à un public plus large, mais cela conduit également à des interprétations à chaque fois différentes. Cette ambiguïté crée un espace poétique et humoristique qui laisse sa liberté au spectateur.
Je souhaite que mon travail invite le spectateur à faire sa propre expérience, à voir, à découvrir, à évoquer. Je travaille avec des objets du quotidien ‒ bouteilles d'eau, panneaux de signalisation, clôtures, cartes d'identité… – et l’espace public. Lorsque des choses et des espaces que nous voyons tous les jours apparaissent de manière inattendue, notre perception est perturbée par nos routines et notre apathie. Intéressée par les interventions artistiques dans l'espace public, j'ai réalisé une installation permanente pour le plafond et les fenêtres des Halles Laissac restaurées à Montpellier. J'ai également réalisé une vidéo 360° in situ dans le cadre de la programmation artistique et culturelle du Grand Paris Express avec Le 104 Paris devant la station de métro Maison Blanche. »
Mona Young-eun Kim, juillet 2021

« Malgré ce que nous pourrions penser, Mona Young-eun Kim n’est pas une simple iconoclaste. Et pourtant nous apparaissent des surfaces polies et lumineuses, dont la forme sommaire nous évoque immédiatement quelques balises de nos paysages urbains. À partir d’un recyclage de signaux publicitaires, elle nous surprend à en élaguer les éléments distinctifs – logos, icônes ou messages – pour en révéler leurs ossatures. Il ne s’agit pas de nous donner à voir un charnier où gisent des cadavres d’images, mais de faire entendre leurs échos, motifs et autres répétitions. C’est un langage visuel commun qui, une fois extirpé de sa noyade dans la machine de l’information, nous rappelle que nos cultures en sont les couleurs. L’artiste est à la recherche d’un espéranto, une langue « moyenne » avec laquelle nous pourrions dialoguer par-delà nos mythologies culturelles. L’installation, doublée d’une application de réalité mixte, permet de réactiver les signes disparus de ces panneaux transformés en des configurations lumineuses flottant dans l’espace. Le phrasé du visible est dès lors réglable à l’envie, loin des standards d’une langue ou d’une culture visuelle spécifique, ou au contraire vierge de toute projection, à l’exception de celle de notre imagination. Quand notre attention est aujourd’hui sollicitée à l’excès par la machine de l’information et la publicité, l’œuvre de Mona Young-eun Kim nous autorise à respirer pour nous ressaisir de nos visibilités saturées en nos propres termes.»

  • Thomas Lemire

biographie / fr.monayoungeunkim.com